Aussi magique que terrible !

Kuroda senseï nous montre avec son fils un kata seul, puis à faire à deux. Il nous dit de bien les regarder, démontre les mouvements, puis nous salut et s'en va.

On s'entraine un bon moment seul, puis avec mon pote on passe à l'exercice deux. Malgrès l'attention que nous avions quand il nous a montré les mouvements, beaucoups de détails nous ont échappés et on se retrouve dans le doute pour la plupart des passages du kata.

Senseï passe à côté de nous, je le salut et lui demande s'il peut le faire avec nous pour que l'on voit à nouveau le travail à deux, mais Kuroda senseï ne parlant que très peu anglais et sans la présence de Léo pour traduire ma demande en japonais......... Je ne sais pas ce qu'il a compris et comment il l'a pris..... 

 

 

Je me dis qu'il a peut-être pensé un truc du genre :

"C'est quoi ses deux prétentieux qui pensent avoir suffisement travaillés le kata seul pour pouvoir le faire à deux?!", ou "qui prétendent pouvoir me faire face?!". En fait je ne sais pas qu'est ce qu'il a pu se dire !

Mon pote Sylvain qui est un brin optimiste, dit qu'il nous a fait un cadeau car il a vu qu'on travaillait bien... mouais je suis pas convaincu... un brin optimiste non ?! Même si au final effectivement c'est devenu un cadeau inestimable !

Bref, quoi qu'il en soit, Senseï fait face à mon ami placé à plusieurs mètres de lui. Il le salut, dégaine, fait trois pas et coupe... Sylvain n'a eu le temps que de sortir son sabre et le prendre la première position du kata. D'un oeil extérieur, Kuroda senseï n'est pas allé extrêmement vite dans ses mouvements, mais on a bien senti quelque chose de pas "normal" se passer.

Puis c'est mon tour.

Je suis face à lui, le salut. J'ai sorti mon bokken, mais ce fut tout... Juste après l'avoir salué, impossible de le voir clairement bouger, mais je sentais qu'il avançait. Sa présence s'est fait écrasante sur moi, étouffante puis effrayante. J'ai baissé mon bokken et tout en reculant lui ai fait signe que ce n'était pas la peine de continuer. Lui n'avait qu'avancé sur moi, et se tenait toujours à trois bon mètres de moi. Il sourit, baisse son arme et dit simplement "More practice!".

Je ne sais pas comment décrire précisement ce que j'ai ressenti, mais c'était véritablement terrifiant. Aucune place au jeu, pourtant l'ambiance bien que studieuse restait agréable, mais ce fut comme si soudainement son corps était habité, plus rien autour, tout était centré sur cet intervalle entre lui et moi.

La personne qui était en face de moi allait me tuer... c'est la première fois que j'ai ressenti ça, il allait me tuer. Tous mes sens envoyaient ce signal à mon cerveau. Mon ami en fait la même description.

Beaucoups d'écrits mentionnent l'intention que l'on met dans l'action, la gestion de l'espace et du temps, le mouvement invisible, la concentration totale, le relachement... face à lui c'est tous ces éléments que je me suis pris en pleine figure, tout ceci ne reste plus que des mots sur une feuille avec une vague idée que "c'est possible" mais est passé au niveau du ressenti.

Il est clair que la conception de ma pratique est marquée de manière profonde et irréversible.

Kuroda senseï et son fils (photo de Sébastien Chaventon)
Kuroda senseï et son fils (photo de Sébastien Chaventon)